mardi 19 février 2013

Pourquoi je ne lirai plus Musso [7 ans après]

    Il y a quelques semaines, j'ai décidé d'ouvrir ce blog. J'ai repris mes lectures par un livre simple, le genre de roman qu'on lit l'été sur la plage. J'ai donc choisi dans ma pile à lire l'avant dernier roman de Musso qu'on m'a prêté : 7 ans après. Dans la même veine que Levy, Musso est un auteur commercial qui publie un nouveau roman tous les semestres. Rien que ce dernier élément permet de comprendre qu'on n'est pas face à de la grande littérature.



La quatrième de couverture :

    Artiste bohème au tempérament de feu, Nikki fait irruption dans la vie sage et bien rangée de Sebastian. Tout les oppose, mais ils s’aiment passionnément. Bientôt, ils se marient et donnent naissance à des jumeaux : Camille et Jeremy.
Pourtant, le mariage tourne court : reproches, tromperies, mépris ; la haine remplace peu à peu l’amour. Au terme d’un divorce orageux, chacun obtient la garde d’un des enfants : Sebastian éduque sa fille avec une grande rigueur alors que Nikki pardonne facilement à son fils ses écarts de conduite. Les années passent. Chacun a refait sa vie, très loin de l’autre. Jusqu’au jour où Jeremy disparaît mystérieusement. Fugue ? Kidnapping ? Pour sauver ce qu’elle a de plus cher, Nikki n’a d’autre choix que de se tourner vers son ex-mari qu’elle n’a pas revu depuis sept ans. Contraints d’unir leurs forces, Nikki et Sebastian s’engagent alors dans une course-poursuite, retrouvant une intimité qu’ils croyaient perdue à jamais.
Des rues de Paris au coeur de la jungle amazonienne
Un thriller implacable brillamment construit
Un couple inoubliable pris dans un engrenage infernal

Mon analyse :

   Dans ce roman, Musso plonge son lecteur au coeur d'un thriller familial. Des parents divorcés dont chacun à la garde d'un des jumeaux se déchirent dans leurs différences : le père est un riche luthier reconnu dans sa profession pour ses talents de création mais aussi d'analyse ; la mère est une femme sauvage qui a toujours vécu en marge des règles. 

"Elle lui apportait la fantaisie qui manquait à son existence.
Depuis qu'ils se sont quittés, c'est comme s'il vivait à nouveau
dans un monde en noir et blanc." p.288

  Ce couple détonnant a implosé. Mais la vie va les réunir quand Nikki, la mère, appelle Sebastian, le père, pour leur dire que leur fils, Jérémy, dont elle a la garde, a disparu depuis plusieurs jours. L'enquête qu'ils mènent ensemble, non sans difficulté de conciliation de leurs caractères et de leurs rancoeurs, les conduit à Paris. Bien qu'ils soient recherchés par la police internationale après s'être trouvés sur les lieux d'un homicide,  ils parviennent à se lier à l'inspecteur qui les recherche afin qu'elle les aide. Après un nouveau rebondissement, ils découvrent que Camille, la jumelle de Jérémy, a également disparu, alors qu'elle se trouvait au Brésil avec son frère.
  Et c'est là que le livre perd tout son sens. Deux disparitions, une enquête parentale, et un cartel de la drogue brésilien se mêle dans un même fil narratif. Heureusement que l'écriture du romancier est (trop) simple, sinon le lecteur aurait de quoi être désabusé devant tant d'informations. 


Mon avis :
    On est d'accord, j'ai lu ce livre parce que je savais qu'il serait simple à lire car son auteur n'est pas connu pour avoir un style incisif ou recherché. Malheureusement, l'essai du registre du thriller est un vrai échec pour Musso. Au bout de quelques pages, j'ai compris la première supercherie sur la disparition du fils qui a été organisé par ses propres soins pour rapprocher ses parents. Le lecteur comprend vite que le jeu de piste les menant vers la ville de l'amour, dans un hôtel romantique suivi d'une soirée sur un bateau-mouche ne peut pas être orchestré par des malfrats mais plutôt par des enfants en mal d'équilibre familial. Il faut dire que les conditions du divorce n'ont ni queue ni tête, il est invraisemblable que les enfants aient des gardes séparées. 
  Mais l'auteur ne s'arrête pas là et en rajoute une couche avec une histoire rocambolesque de cartel de la drogue à la recherche d'un avion écrasé contenant un gros butin. On ne comprend pas comment les enfants se sont retrouvés au coeur de ces magouilles. Ni comment tout le monde s'en sort indemne. 
  Si je ne cherchais pas un livre appartenant à de la grande littérature, je ne m'attendais pas non plus à tomber sur un tel navet. J'ai déjà lu plusieurs livres de Musso, si je n'étais pas transportée ils faisaient leur job de divertissement. Je me suis forcée à aller au bout de ma lecture parce que je n'aime pas laisser un livre inachevé, mais rien ne m'a surprise, au bout du premier chapitre j'avais déjà compris comment l'histoire finirait. 


MUSSO Guillaume. 7 ans après. Paris : XO Editions, 2012. 400 p.


lundi 11 février 2013

La modification - M. Butor

    Michel Butor est un romancier, poète et essayiste français contemporain né en 1926. La Modification est un roman publié en 1957 aux Editions de Minuit. C'est un roman qui se rapproche du genre philosophique, l'auteur ayant lui-même était professeur de philosophie. Le thème principal est donc le changement personnel qui intervient à partir d'une réflexion sur soi.


La quatrième de couverture :

    Lors d'un aller Paris-Rome en train, un passager remet en question son existence, ses choix, avant de se résigner à la médiocrité. Léon Delmont, 45 ans, est un homme qui a réussi. Pourtant, il étouffe auprès d'une épouse acariâtre et de quatre enfants qui sont pour lui des étrangers. Tandis qu'il se rend à Rome, comme chaque mois, il repense à sa maîtresse, la belle romaine, Cécile, qu'il a l'intention de faire enfin venir à Paris pour qu'ils vivent ouvertement ensemble. Il a donc pris une décision. Mais la fatigue du voyage en troisième classe et les souvenirs de nombreux autres voyages effectués seul, avec sa femme ou avec Cécile, vont peu à peu modifier cette décision. Avec La Modification, récompensé par le prix Renaudot en 1957, Michel Butor réussit le pari de raconter le bouleversement d'une vie à l'intérieur d'un compartiment, en l'espace de vingt heures. Le style extrêmement original, néo-réaliste, partagé entre le présent du voyage en train, le passé immédiat et le futur proche, caractéristique du Nouveau roman, est notamment remarquable par l'utilisation de la deuxième personne du pluriel : "Vous êtes encore transi de l'humidité froide qui vous a saisi lorsque vous êtes sorti du wagon". De ce huis clos, Delmont n'est pas le seul à sortir "modifié" : le lecteur, directement interpellé par l'auteur, reste subjugué. --Céline Darner 


Mon analyse : 

    Durant un voyage en train à la fin duquel le narrateur, Delmont, a pour projet d'enlever sa maîtresse à Rome pour la ramener près de lui à Paris, le lecteur est plongé dans les pensées de Delmont. Si dans la pensée commune, la quarantaine est perçue comme un âge charnière dans la vie, c'est clairement le parti-pris de l'auteur dans ce roman. Le narrateur fait le bilan de sa vie. Le premier tiers revient sur un bilan de la vie familiale présente du narrateur, père de quatre enfants, marié avec une femme qu'il ne supporte plus. Leur mariage n'est plus qu'un simulacre qui se poursuit pour faire bonne figure dans un milieu social élevé. Le second tiers est réservé aux souvenirs charnels de l'histoire hors mariage avec Cécile, jeune romaine. Les voyages à Rome sont d'abord perçus par le narrateur comme une bulle d'oxygène dans son quotidien parisien étouffé par une femme castratrice. Pourtant, la fin du voyage permet au narrateur de se rendre compte de son erreur grâce aux souvenirs des premiers temps de son histoire avec sa femme. Ils étaient comme il est à présent avec sa maîtresse. Si leur relation s'est dégradée, il prend conscience qu'il en est en grande partie responsable par son manque d'attention, ses tromperies, son travail trop prenant. Si sa relation lui apparaît aujourd'hui comme un enfer, rien ne lui assure que ce quotidien ne sera pas également fatal à sa relation avec Cécile. Le séjour à Rome ne servira donc pas à rejoindre sa maîtresse, mais à faire le deuil de cette histoire. Le narrateur sort grandi de ce voyage épuisant au sein d'un train de nuit dans une troisième classe inconfortable. Ses réflexions lui ont permis de prendre conscience de ses erreurs afin qu'il puisse repartir sur de bonnes bases à son retour à Paris.
  Le narrateur n'est pas le seul que ce roman bouleverse. Par l'usage du vouvoiement, le narrateur semble s'adresser directement au lecteur, qui ne peut alors que s'identifier et se sentir concerné par ce dilemme. Les réflexions personnelles du narrateur sont appropriées par le lecteur qui ainsi peut trouver des échos dans sa propre histoire. Nul doute que certains infidèles peuvent prendre conscience de leur bêtise et se rendre compte que le problème peut venir d'eux plutôt que de leur partenaire. Les personnes fidèles peuvent aussi ouvrir un oeil nouveau sur leur histoire et redonner vie à une histoire d'amour qui peut s’essouffler sous le manque d'attentions. Mais le texte invite, au delà du couple, à porter un regard objectif sur soi-même afin de se remettre en question. Butor remet ainsi au goût du jour la catharsis théâtrale en forçant le lecteur à s'auto-analyser. 


Mon avis :

    Si le texte semble difficile à appréhender par la description qu'en fait le résumé, c'est tout l'inverse qui se passe à la lecture. L'utilisation du vouvoiement happe le lecteur au coeur de l'histoire et les réflexions du narrateur sont appropriées pour soi-même. Sans forcément s'en rendre compte, le lecteur en vient à mettre en parallèle sa propre histoire. Il m'est arrivé moi-même de lire pour moi certaines phrases et de me poser des questions sur mon couple et sur comment je me sens dans mon couple. 
  De ce fait, le lecteur sort bouleversé de cette histoire. Il lui est impossible d'être passif durant sa lecture. Le texte lui parle et devient sa propre histoire. L'auteur, par l'utilisation du vouvoiement, a donc fait ce choix d'intégration de son lecteur. Car après tout, un texte ne doit-il pas s'adresser à un lecteur pour exister ?

BUTOR Michel. La Modification. Paris : Editions de Minuit, 1980. 313 p.

dimanche 3 février 2013

Moi, Sàndor F. - FLEISCHER Alain

    Alain Fleischer est un artiste accompli. Tout à la fois photographe, cinéaste et artiste plasticien, ce touche à tout joue cette fois le rôle d'auteur littéraire. Sous la demande de la collection "Alter Ego", Fleischer prend la plume pour relever un défi. En effet, la ligne d'édition de cette collection particulière est de s'inscrire dans le genre de l'autofiction. Il s'agit, tout comme l'a fait Hermann Hesse dans son Jeu des perles de verre, de créer de toute pièce l'autobiographie d'un autre, qu'il ait existé ou non. Alain Fleischer prend le parti de rendre hommage à son oncle, Sàndor Fleischer, mort au moment d'être déporté, durant la Seconde Guerre mondiale. 


La quatrième de couverture :

    «Un être peut-il en répéter un autre, ou le continuer, le prolonger, d'une génération à la suivante ?» En faisant sien, le temps d'un roman, le prénom hongrois qu'il aurait dû porter, Alain Fleischer reconnaît en lui la personnalité de son oncle Sàndor, mort à l'âge de 27 ans dans un train roulant vers Auschwitz, alors qu'il était lui-même né trois mois plus tôt.

Les quelques souvenirs de l'existence de son oncle lui deviennent propres à mesure qu'il les imagine et restitue l'agonie de son alter ego comme si c'était la sienne. Si personnels lui soient-ils, ses goûts et ses talents, son inclination dès l'enfance pour les jeunes filles comme sa précoce passion pour la photographie et le cinéma, semblent lui venir de cette vie antérieure, dont il se souvient en l'inventant.
Grâce à un procédé narratif original, parvenant à confondre les deux Sàndor en un seul, Alain Fleischer nous offre là un des romans les plus troublants jamais écrits sur le double mystère de l'identité et de la transmission. Moi, Sàndor F. devrait aussi rester comme un maître livre de cette littérature d'après les camps, que Jean Cayrol voulait «lazaréenne» ou de résurrection.
Jean-Luc Moreau



  Se projeter sous une forme autobiographique dans un autre personnage qui, tout en étant ainsi investi par une personnalité étrangère, conserve les vêtements de sa propre identité, telle est la proposition faite aux auteurs de cette collection. À mon sens, il s'agit moins de s'identifier à la vie d'un autre que d'identifier en soi une autre vie possible. En disant les choses autrement, il s'agit moins de s'imaginer être un autre, que d'imaginer un autre être soi.
J'ai accepté cette proposition singulière parce que mon oncle Sàndor F. a pu - façon de parler - attendre ma naissance pour être assassiné par les nazis, et me passer une sorte de relais. Ceux qui l'ont connu ont pu me trouver, avec lui, quelques traits de ressemblance, et je tente donc, en respectant le peu que j'ai appris sur lui, de le prolonger jusqu'à moi, en empruntant à celui que je suis, et à la vie qui a été la mienne, ce qui me permet de compléter l'histoire de sa brève et tragique existence.
A.F.

Mon analyse :

    Sous une écriture propre à son style, Fleischer revient sur le souvenir de son oncle, mort quelques mois après sa naissance, sans qu'ils n'aient pu se rencontrer. De cet homme inconnu, il ne connaît que les souvenirs de la famille qu'ils partagent, lointains récits entendus durant son enfance. Pour combler ces failles d'oublis et faire revivre la mémoire de cet oncle disparu, Fleischer prend le parti de mêler leurs vies. Sous la répétition incessante des mots "Moi, Sàndor F." se confondent deux identités, que le lecteur identifie grâce à leurs dates et lieux de naissance. Ainsi, "Sàndor F., né à Budapest en 1917" précède à "Sàndor F., né à Paris en 1944". Plus qu'une famille, c'est un lien privilégié qui unit ces deux hommes qui ne se sont pourtant jamais rencontrés. Les souvenirs de leur famille se réveillaient par la personnalité et le physique si ressemblant que le jeune Alain partageait avec son oncle Sàndor. Deux caractères égaux, des "jumeaux nés à des années de différence", d'après l'auteur. Leurs vies sont unies par ces personnalités, mais aussi par ce prénom hongrois, Sàndor. Un prénom que les parents de l'auteur lui destinaient, avant de se rétracter pour lui donner un prénom français, afin que son intégration dans le pays les ayant accueillis se face plus facilement. Alain, une des traductions possibles pour ce prénom. Deux nationalités différentes, une même racine. En plus de tout cela, le neveu porte à son doigt la chevalière de son oncle, retrouvée miraculeusement en Israël par sa tante. L'homme, au moment de mourir, l'avait donné à un compagnon d'infortune, dans ce train de bétails les portant vers Auschwitz, afin de laisser un héritage, un souvenir, à sa famille.
  Pour Alain Fleischer, il s'agit de rendre hommage à cet oncle, dont la mémoire partira après lui, toutes personnes l'ayant connu étant maintenant mortes. Mais de ces vagues souvenirs de lointaines discussions entendues lors de son enfance, que lui reste-t-il ? Alors l'auteur imagine. Qu'aurait été sa vie s'il avait été à la place de son oncle ? Qu'aurait été celle de son oncle s'il avait été à la place du neveu ? Et s'ils s'étaient connus, quels liens auraient-ils partagés ? Tant de questions impossibles à résoudre. Alors Fleischer mêle leurs deux vies. Sa propre biographie devient celle de son oncle, avec un report du contexte spacio-temporel. 

Citation significative :

    "Je ne peux raconter ma vie qu'en l'inventant pour la plus grande part, mais peut-être est-ce la règle et la situation de toute oeuvre biographique ou autobiographique, la vie supposée réelle de quelqu'un étant justement le lieu où se croisent et se mêlent, à parts égales, d'un côté les circonstances et les évènements effectivement vécus, qui contribuent à former l'histoire et l'identité d'un être, et d'un autre tout ce qu'il a rêvé, imaginé, espéré, fabulé, et qui constitue l'autre moitié du moule d'où sort la forme complète d'un individu, d'un destin." (p.19)

Mon avis :

    Par cette oeuvre, Alain Fleischer rend hommage à son oncle. Pour cela, il mêle son autobiographie aux souvenirs laissés par son oncle, Sàndor. Un genre nouveau apparaît sous la plume d'Alain Fleischer : l'autofiction. Il s'agit de dissoudre des éléments biographiques à l'intérieur d'une autre vie, qui aurait pu être meilleure. 
  Si ce genre est prometteur pour les amoureux de biographies comme je peux l'être, Fleischer n'est pas assez exigeant avec lui-même. L'oeuvre s'étend sous des longueurs, des répétitions incessantes de mêmes souvenirs. L'écriture est décousue, le temps fait des dents de scie. Le lecteur se perd dans une masse de souvenirs et se sent obligé de sauter des pages pour se libérer de cet étouffement. 
  Une déception pour moi sous une belle promesse qui réunissait les éléments que je préfère dans une oeuvre littéraire : une biographie inscrite dans la période de la Seconde Guerre mondiale. 


FLEISCHER Alain. Moi, Sàndor F. Paris : Editions Fayard, 2009. 394 p. (coll. Alter Ego).